Le 1er septembre 2017, Serena Williams ajoutait un titre à son palmarès : celui de maman. Cette battante et cette gagnante s’est aussi mariée il y a deux mois. Elle semble donc invincible sur tous les terrains.
Et pourtant, dans le Vogue US de Janvier, à côté de superbes photos où elle rayonne de beauté et de joie avec sa petite Oympia, elle nous livre un témoignage touchant sur son expérience de la maternité, avec une sincérité qui force l’admiration. Non, être mère n’est pas toujours aussi facile qu’on peut l’imaginer, pas plus pour cette femme hors du commun que pour n’importe laquelle d’entre nous.
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Une naissance difficile
La grossesse de Serena s’était déroulée parfaitement.
Mais c’est à la naissance d’Olympia que la peur, la souffrance et la frustration se sont invitées dans un moment que la jeune maman avait fantasmé comme idéal.
Olympia en née dans un climat anxiogène : le rythme cardiaque du bébé a chuté dangereusement pendant les contractions, et Serena a dû subir une césarienne d’urgence. Néanmoins, même dans ces conditions, la naissance d’Olympia a été un moment magique. Alexis, le papa, a pu couper le cordon comme il le souhaitait, et toutes les peurs des parents sont retombées quand la petite Olympia s’est apaisée, dès qu’on l’a posée sur sa maman. Une naissance presque idyllique en somme.
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Mais ce rêve a failli tourner au cauchemar le lendemain, quand Serena, encore sur son lit d’hôpital, a soudain du mal à respirer. Victime d’une embolie pulmonaire peu avant sa grossesse, elle sait ce qui lui arrive. Elle demande aux médecins de l’aide, et elle est sauvée de justesse d’une deuxième embolie pulmonaire.
Malheureusement, ce ne fut pas sa dernière épreuve. La forte toux déclenchée par son embolie a ouvert la cicatrice de sa césarienne, et on lui découvre en plus, un hématome dans l’abdomen.
On est loin de la douceur que l’on imagine autour de cette période de la naissance. Le corps souffrant, médicalisé, sa vie en jeu…
Une fois rentrée chez elle, ce début de vie de mère s’est avéré n’être que le prélude d’une période où certes, elle ne craignait plus pour sa vie, mais où la jeune maman souffrait dans son cœur : ses projections et ses rêves de petite fille, quand elle jouait à sa poupée Victoria, ne l’avaient pas préparée à ce qu’elle allait vivre en tant que maman d’Olympia : six semaines sans pouvoir sortir de son lit. Six semaines sans pouvoir s’occuper de son enfant comme elle l’aurait voulu.
Pour toute maman, cette situation est un calvaire où se mélangent frustration et culpabilité, tout cela sur fond de descente hormonale post-partum, déjà propice aux états dépressifs même quand tout va bien.
Pour Serena, il y avait une frustration de plus. Cette championne a toujours eu un corps qui lui obéit et soudain, dans le pire moment, elle découvre ses limites.
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Alexis, son mari, témoigne :
J’étais heureux de changer les couches, mais par-dessus tout ce que Serena devait endurer, le sentiment de ne rien pouvoir faire pour m’aider lui rendait tout encore plus difficile. Imagine un seul instant que ton corps soit une des choses les plus extraordinaires de cette planète, et que tu en sois prise au piège.
La maternité : un nouveau défi pour la tenniswoman
Pour chacune de nous, la maternité n’est pas faite que de moments roses. À côté des moments parfaits que transcrivent nos photos de famille sur les réseaux sociaux, il y a tous ceux où la fatigue prend le dessus et où nous pouvons douter de nous-mêmes. Suis-je une bonne mère ? Vais-je y arriver ? Pourquoi est-ce que je n’arrive pas à apaiser les pleurs de mon bébé ? Grâce à la franchise de Serena, nous pouvons toutes nous dire que ces questions sont celles d’une championne, et non d’une mère qui ne serait pas à la hauteur. Nos doutes ne reflètent que notre haut degré d’exigence envers nous-mêmes.
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« Quand je suis au plus bas et je pense que n’y arriverai pas. J’ai la même attitude négative sur le court parfois. Je pense que ça fait partie de moi. Personne ne parle des moments difficiles, de la pression que tu ressens, de l’effondrement que tu vis à chaque fois que tu entends le bébé pleurer. J’ai craqué un nombre incalculable de fois. Ou bien je me mettais en colère quand le bébé pleurait, puis j’étais triste d’être en colère, puis je me sentais coupable, en me demandant pourquoi je me sens si triste alors que j’ai un beau bébé ? Ces émotions sont folles »
Serena nous rappelle aussi l’importance de notre entourage dans ce moment où nous pouvons nous isoler en fusionnant avec les besoins et le rythme de notre bébé.
Tout d’abord, sa maman Oracene la soutient et tente de lui prodiguer des conseils. Elle encourage sa fille à se détendre, car elle voit dans notre époque, mettant les besoins de l’enfant au centre de tout, une des raisons de la pression que sa fille s’impose. La maman de Serena, lui conseille de ralentir, de faire passer sa santé avant tout, mais elle connaît le caractère de sa championne de fille, qui ne fait rien à moitié : « Serena s’en demande trop. Elle a toujours été comme ça, même quand elle était petite. Elle va avoir besoin de ralentir. Elle est responsable d’une autre vie maintenant. »
Ses amis tennismen et tenniswomen l’entourent et la soutiennent. Mais c’est surtout une amie, Sheryl Sandberg, une des femmes d’affaires les plus puissantes du monde (COO de Facebook) qui lui apporte son appui. Serena avait soutenu Sheryl lorsque celle-ci avait subitement perdu son mari il y a deux ans.
Les femmes les plus puissantes vivent elles aussi des épreuves qui les mettent à terre ; et comme chacune de nous, c’est souvent auprès d’autres femmes sincères qu’elles osent montrer qu’elles sont blessées et qu’elles trouvent l’appui nécessaire pour se relever. Nous ne sommes pas des héroïnes toutes seules.
Il ne faut pas hésiter, par pudeur ou par fierté, à dire qu’on est atteinte et qu’on a l’impression de ne pas pouvoir surmonter une épreuve.
Ces deux femmes sont des exemples de force, justement par leur façon d’assumer leurs limites, d’oser les confier pour trouver de quoi les dépasser, et ce faisant, elles nous inspirent, car elles nous donnent le droit de ne pas être invincible tout en continuant à croire en nous-mêmes.
Le propre d’une héroïne n’est pas de ne pas tomber, mais de se relever toujours et d’inspirer celles qui auront un jour à se relever.
Maman ou championne? Maman ET championne !
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Une femme doit-elle choisir entre ses ambitions et sa famille ? Serena nous révèle comment concilier ces deux rôles peut au contraire nous permettre de progresser en tant que professionnelle et en tant que maman.
« Maintenant que j’ai 36 ans et que je regarde mon bébé, je me souviens que c’était aussi un de mes buts quand j’étais petite, avant que le tennis ne prenne le dessus, quand j’étais encore une petite fille comme les autres, qui jouait à la poupée. Oh, mon Dieu, j’adorais mes poupées. »
« Pour être honnête, l’idée de déménager à San Francisco et d’être simplement une maman a quelque chose de vraiment tentant. Mais pas tout de suite. C’est peut-être une évidence, mais il faut que je l’affirme haut et fort : je veux absolument gagner plus de Grands Chelems. J’ai le livre des records bien en tête, malheureusement. Ce n’est un secret pour personne, je vise les 25 Grands Chelems. »
En effet, elle veut surpasser le record des 24 Grands Chelems détenus actuellement par la légendaire Margaret Court, et devenir à son tour la plus grande tenniswoman de tous les temps. Elle en actuellement gagné 23 et est déjà considérée comme la meilleure, mais, ça ne lui suffit pas !
« En fait, je crois qu’avoir un bébé peut m’aider à atteindre cet objectif. Quand je suis trop anxieuse, je perds mes matchs, et j’ai senti disparaître une bonne partie de cette anxiété à la naissance d’Olympia. Savoir que j’avais ce beau bébé à la maison me donne l’impression que je ne suis pas obligée de disputer un nouveau match. Je n’ai pas besoin de l’argent, des titres, du prestige. Je les veux, mais je n’en ai pas besoin. C’est un sentiment différent pour moi. »
Elle raconte combien elle était anxieuse de ne pas arriver à gagner le 18e titre du Grand Chelem :
« Mon coach m’a dit : « Serena, ça n’a aucun sens. Pourquoi es-tu aussi stressée pour le 18e. Pourquoi pas pour le 30e ? Pour le 40e ? « Pour moi, ça a été un déclic. J’ai gagné le 18e, le 19e, et le 20e après ça. Pourquoi m’angoisser pour simplement rester à mon niveau quand je peux dépasser celui-ci ? Je pense que parfois les femmes se limitent. Je ne sais pas vraiment pourquoi nous pensons de cette façon, mais je sais qu’il arrive qu’on nous enseigne à ne pas rêver aussi grand que les hommes, à ne pas croire qu’on peut être un président ou un CEO, quand dans le même foyer, un petit garçon apprend qu’il peut être tout ce qu’il veut. Je suis tellement contente d’avoir une fille, je veux lui apprendre qu’il n’y a pas de limites. »
C’est tout le message qu’elle lui donne par le prénom qu’elle lui a choisi : « Olympia ». Elle a recherché un prénom évoquant la force dans toutes les langues, et s’est arrêtée sur celui qui donne à sa fille la puissance d’une divinité grecque.
Serena a 36 ans. Elle sait qu’elle arrive à la fin de sa carrière, et elle prend la mesure du ralentissement que lui impose le challenge de la maternité. Elle le constate elle-même, l’inégalité de fait entre elle, affrontant dans son corps autant de difficultés après son premier bébé, et son ami Roger Federer qui a eu 4 enfants sans que cela n’affecte sa carrière.
De fait, les femmes ont ce défi supplémentaire à relever quand elles veulent être mères sans renoncer aux autres pans de leurs vies.
Mais si on imagine que la championne a dit son dernier mot sur le court, on se trompe. C’est avec toute la force insufflée par son récent mariage et par ce que sa petite Olympia lui a permis d’apprendre sur elle-même qu’elle va revenir pour couronner sa carrière avec encore plus d’énergie et d’ambition :
« À mon âge, je vois la ligne d’arrivée. Et quand on voit la ligne d’arrivée, on ne ralentit pas. On accélère. »