Je suis noire, je suis infertile, et je veux un enfant !

Lorsque l’envie d’un bébé se manifeste, tout peut se passer très normalement. Mais pour certaines femmes, il arrive qu’elles soient confrontées à la difficulté, voire à l’impossibilité, de faire un bébé.

Sandrine – qui se fait appeler Ovocyte-moi – a 34 ans. En 2015, on lui révèle qu’elle est infertile. Elle nous raconte comment elle a vécu cette épreuve et le poids que représente le regard des autres.

J’avais 25 ans quand l’idée d’avoir un enfant nous est venue à mon compagnon et moi. Bien que notre relation n’ait pas toujours été simple, cela faisait 5 ans que nous étions ensemble et nous avions envie d’essayer. Mais au bout de 6 mois d’arrêt de la pilule, je n’étais toujours pas enceinte. C’est là que j’ai pensé pour la première fois que je devais être stérile. Sur le plan gynécologique, plus jeune à 20 ans, on m’avait dit que j’avais un fibrome, mais sans me parler d’éventuelles conséquences sur ma fertilité, alors que ça peut en avoir. Mais ce n’est pas ce qui me faisait dire ça.

Plus qu’une crainte, c’était quelque chose que je ressentais profondément. Je sentais que quelque chose n’allait pas. En parallèle, mon couple se dégradait et j’avais des doutes. Alors, j’ai repris la pilule. Puis peu de temps après, nous nous sommes séparés. Je me suis alors concentrée sur ma carrière professionnelle. Je tiens à aussi attirer l’attention sur le fait que comme les mamans, les femmes infertiles subissent une pression  pour choisir entre carrière et désir d’enfant. On m’a fait la remarque plusieurs fois.

En 2014, on m’annonce que j’ai plusieurs fibromes de tailles différentes au niveau de l’utérus et que par confort, il était recommandé d’opérer pour les retirer. Ça peut en effet provoquer entre autres des douleurs pendant l’acte sexuel et des règles douloureuses et abondantes.  Un examen complémentaire (l’hystérosalpingographie) a été effectué pour vérifier l’état de mes trompes.

Après analyse des résultats, les problèmes d’infertilité ont été évoqués. Mais je n’y prêtais pas attention car mes priorités étaient ailleurs à savoir ma reconversion professionnelle. Étant donné qu’il ne s’agit pas d’une urgence vitale, je refuse l’opération et propose de la reporter à plus tard.

En 2015, je fais d’autres examens complémentaires (bilans hormonaux) qui révèlent que je suis en insuffisance ovarienne prématurée. .  Et donc, que les chances sont minimes pour qu’un jour je devienne mère… Je suis sous le choc ! Mon compagnon de l’époque quant à lui, ne réalise pas vraiment non plus. On me recommande à nouveau de retirer mes fibromes par voie chirurgicale, ce que je refuse une nouvelle fois. Je ne comprends pas ce qui se passe, je pense que c’est peut-être une erreur de diagnostic.

Là, je ne le sais pas encore, mais je vais entamer un processus personnel. C’est un peu comme vivre un deuil. Quand on y pense, c’est un peu ça. Là, j’allais entamer le deuil de mon enfant biologique, le deuil d’un enfant qui ne me ressemblera jamais et que je ne pourrai peut-être jamais porter…  C’est donc là que différents sentiments liés au deuil m’ont traversée : le choc, le déni, la douleur, la colère, la dépression, la reconstruction et l’acceptation.  

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Toujours sous le choc et en plein déni, je fais des recherches, je lis beaucoup de forums et je demande aussi un nouvel avis auprès de 5 autres médecins partout en France et 1 autre en Belgique. Je refuse de croire que mes trompes sont totalement bouchées et je refuse de croire que mes fibromes doivent obligatoirement être retirés. Un an auparavant, je me disais que mes trompes ne vont pas si mal et qu’avec une alimentation bio et équilibrée et du sport, je pourrai faire réduire mes fibromes naturellement. Mais les différents bilans de fertilité, les résultats  sont sans appel : mes fibromes ont beaucoup grossi et il me reste très très peu d’ovocytes (ovules) qui puissent être portés à maturité,  2 follicules par ovaire, je suis une très mauvaise répondeuse en cas de stimulation ovarienne.

Le terme technique, c’est « insuffisance ovarienne prématurée. » C’est comme une pré-ménopause. J’apprends aussi que si je désire toujours un enfant, je peux peut-être le porter. Il faudra pour cela impérativement m’opérer (une myomectomie par laparotomie) pour faire une ablation de mes fibromes. Le compte-rendu opératoire a bel bien confirmé l’occlusion de mes 2 trompes, que cette occlusion est une conséquence d’une complication médicale (tuberculose péritonéale). En revanche, pour concevoir, je devrai avoir recours à un don d’ovocytes (ovule), c’est-à-dire que sans une autre femme, je ne pourrai avoir d’enfants.

À cette époque, je vivais à Mulhouse. On me précise que pour le don d’ovocyte issu d’une femme noire, je devrai attendre minimum 8 ans. Si je souhaite être sur la liste des receveuses, je dois accepter que l’ovocyte provienne d’une femme caucasienne. Toutes ces nouvelles sont extrêmement dures à comprendre, à digérer. Là, je ressens une douleur indescriptible. Je m’effondre. Je pleure énormément, je me demande si j’ai fait quelque chose de mal, si je suis punie par l’univers. Pour moi, cela remet aussi en question ma féminité. Je me dis aussi que c’est ma faute. J’ai ressenti de la honte. Ce gros choc émotionnel me fait aussi prendre conscience de l’état problématique de mon utérus et j’accepte enfin de retirer mes fibromes.

Je continue néanmoins de demander d’autres avis médicaux surtout pour avoir de l’espoir. C’est en Belgique que ça arrive : on me dit qu’il existe un moyen de prélever le très peu d’ovules qui me restent et de faire une fécondation in-vitro. L’espoir que je puisse porter notre enfant biologique à mon compagnon et moi renaît. Mais quand je prends connaissance des bilans et avis d’autres femmes qui ont vécu ça avant moi, je me rends compte que les chances que cela réussisse sont infimes. C’est là que je décide de ne pas me lancer dans ce protocole un peu expérimental. Mon compagnon, lui, voulait tenter cette aventure quand même, même si le coût était très élevé (5 000€).

Nos désaccords et incompatibilités grandissent, j’ai l’impression qu’il ne me comprend pas, qu’il ne s’implique pas assez. Il venait rarement à mes rendez-vous et voulait m’imposer ce protocole expérimental en Belgique. Quelques jours avant mon opération pour les fibromes, il finit par exprimer sa frustration et sa colère sur moi en me frappant violemment au visage et dans les côtes. Par cet acte et dans ses mots, il m’a fait comprendre que j’étais un problème, que quelque chose n’allait pas chez moi. C’est très difficile pour moi, d’autant plus qu’en France, une femme seule ne peut pas entamer des démarches pour être assistée médicalement pour procréer. Mais cet acte est l’acte de trop. Je le quitte immédiatement. Je subis l’opération seule. Elle se passe bien mais j’entre en dépression. Tout est sombre dans ma tête, je me sens seule.

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Au lieu d’être une épaule sur laquelle me reposer, mes parents, ma famille, deviennent eux aussi une difficulté à gérer. Ils ne me comprennent pas. Ils ont des mots durs malgré eux, des discours moralisateurs, négatifs. Je ne recevais aucun soutien de leur part, aucun accompagnement. On m’a même considérée comme anormale. Dans la communauté noire, la femme infertile, celle qui ne peut donner d’enfant, peut être très mal vue. C’est très tabou chez nous. Je peux dire aujourd’hui que bien que les membres de ma famille se soient excusés, les liens familiaux que nous entretenions ne seront plus jamais les mêmes. J’ai ressenti beaucoup de colère à cette période.

C’est en réalité auprès d’une amie proche et d’un professionnel que j’ai trouvé une oreille attentive, l’écoute dont j’avais besoin pour sortir de la dépression. Car oui, en tant que femme noire et infertile en France, ce qui m’a aussi fait défaut, c’est d’être écoutée et soutenue. J’avais besoin d’entendre que ce n’était pas ma faute, que j’étais en fait malade, comme les personnes atteintes de cancer par exemple. Je ne dois pas être accablée, pointée du doigt, mais accompagnée, soutenue.

En remontant la pente doucement, durant cette période de reconstruction, je reviens à mes autres recherches personnelles qui m’avaient permise de savoir que j’ai plus de chances de recevoir un don d’ovocyte issu d’une femme noire comme moi dans d’autres pays d’Europe : Espagne, Portugal et Angleterre. Mais les coûts sont très élevés, de 6 000 à  plus de 10 000 €, et pas ou peu pris en charge par l’État français. En Belgique, on peut même recevoir un don nominatif. Pour des raisons religieuses parfois, beaucoup de femmes hésitent à faire un don d’ovocytes. Ça pourrait pourtant aider des femmes comme moi. Cette phase, c’est aussi celle de l’acceptation des faits et d’une meilleure considération des options qui s’offrent à moi.

Pour briser le tabou et encourager les femmes à parler de leur maladie, à s’entraider, je me suis engagée concrètement dans ce combat pour faire connaître les souffrances des personnes atteintes d’infertilité dans notre communauté. Aujourd’hui, je reçois énormément de témoignages de femmes infertiles, mais aussi de vives critiques. Je me dis que l’essentiel, c’est d’amener cette question dans notre communauté mais aussi au niveau national pour améliorer l’écoute et le suivi.

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