Témoignage : Le jour où l’on m’a marié de force

En 2017, le mariage forcé et/ou d’honneur n’a malheureusement pas reculé pire, il continue de se frayer un chemin dans une société qui a pourtant évolué. Dans les pays du Tiers Monde comme dans ceux qui sont surdéveloppés, le mariage forcé est un fléau qui détruit à vie, des femmes qui avait l’avenir devant elles. Nous avons décidé de partager avec vous le témoignage de Nadia. Le but de ce partage n’est en aucun cas de stigmatiser une culture ou une religion mais simplement de vous laisser prendre connaissance de l’histoire de cette femme car c’est important pour elle de savoir que vous allez la lire. Comme un pansement sur sa blessure.

 

Mon témoignage n’a pas pour but de juger des traditions ou des coutumes, mais juste de mettre en lumière comme mes consœurs ont pu le faire, un fléau intérieur qui peut paraitre comme fabuleux de l’extérieur.

1. Une famille unie et apparemment sans histoire

Originaire de la Mauritanie, je suis née en France et je vis avec ma famille en banlieue parisienne. J’ai vécu dans un climat qui ne me prédestinait absolument pas à ce drame vécu en juillet 2000. J’allais avoir 18 ans et la vie me tendait ses bras. C’était l’année où j’allais passer mon bac. Chez moi, tout se passait bien enfin j’étais dans mon monde. Je voyais peu mon père qui travaillait durant de longues journées, de 5h à 13h parfois plus, puis il passait la fin d’après-midi avec mes oncles et ne rentrait pas à la maison avant 21h.

Ma mère gérait beaucoup de choses à la maison, sur tous les fronts elle faisait en sorte que l’on puisse tous suivre un bon chemin sans déraper. Il y avait du mouvement à la maison, mais j’étais toujours loin de tout cela. Autant j’aimais beaucoup lorsque mes cousines venaient nous rendre visite autant je détestais lorsque ma mère recevait toute la «famille.» Il y avait des personnes avec qui nous n’avions aucun lien du sang mais comme le qu’en dira-t-on prime, notre maison était devenue la maison du voyageur tellement il y avait des allées et venues.

Dans tous ces allers retours, j’avais remarqué qu’une femme venait plus régulièrement qu’à son habitude. Cette dame je la hais au plus profond de mon âme. Une femme sans éducation et sans amour propre. Oui, je hais cette femme car elle nous a volé, à ma grande sœur et moi, notre intimité féminine. Cette horrible femme nous a excisé et j’en veux à ma mère de rester en contact avec celle qui est la source de nos souffrances cachées.

Sa visite me laissait perplexe car dans la fratrie nous savions pertinemment que sa venue à la maison ne présageait jamais rien de bon. Un soir en rentrant du lycée, je tombe nez à nez avec cette femme, j’ai essayé de l’esquiver mais elle s’est mise en travers de mon chemin, me pinça la joue en me disant : «Nadia, tu es bien maigre, il va falloir manger pour être plus en forme, aucun homme ne voudra te marier avec une telle maigreur ! »

Pourquoi m’a-t-elle dit cela ? Je suis loin de penser au mariage ! Les hommes ? Loin de moi cette idée, pour moi c’était la famille, mes amies et l’école. Ayant baigné dans un climat assez protégé et une éducation religieuse, je ne m’imaginais pas flirter avec un homme mais je n’aurais jamais cru non plus me marier sans pouvoir avoir mon mot à dire.

2. Le dernier jour de ma vie d’innocence

C’était en mai, quelque mois avant de passer mon bac, mon père m’avait promis de me payer le permis si j’obtenais mon diplôme. Ma mère voyait plutôt cela d’un mauvais œil car ma grande sœur ayant déjà pris ce chemin vers l’indépendance, les tensions étaient très vives entre elles. Un soir, ma mère m’appela dans sa chambre pour m’annoncer ce qui scellera mon destin à tout jamais. Elle m’annonça qu’au début du mois de juillet, je me marierais avec un homme de bonne famille et de bonne caste. Je me suis effondrée, je n’étais pas prête et surtout j’ai toujours voulu me marier à l’homme que j’aime, non pas à celui qui me serait imposé.

Ma mère, celle qui m’a donné la vie me donnait sans rechigner à un homme que je ne connaissais ni d’Adam, ni d’Eve sans que cela ne lui fasse grand mal, au contraire. Je l’ai supplié de toute mes forces de revenir sur cette décision, je n’ai eu comme réponse qu’une claque mémorable et une explication disant que l’honneur de la famille est déjà entaché avec ma sœur, qu’il était donc hors de question que je ne reproduise la même chose. Ma mère préférait donc un mariage d’honneur plutôt qu’un mariage d’amour?

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Après cette annonce, je me raccrochais à ce brin de liberté qu’était ma scolarité mais une fois rentrée à la maison, je devenais l’ombre de moi-même. Je ne mettais plus les pieds dans les pièces communes et restait cloitrée dans ma chambre. Ce sont mes petites sœurs qui m’ont annoncé que quelque chose qui me concernait se tramait : elles étaient encore petites, elles ne pouvaient donc pas rester dans le salon mais vu le visage souriant et radieux que ma mère avait, j’ai tout de suite compris que l’on avait apporté la dote qui me liait à un homme que je n’avais jamais vu.

3. Quand l’honneur prime sur l’amour

Nous sommes en juillet, j’ai obtenu mon bac et me suis inscrite en licence de commerce international, mais la promesse de mon père s’est envolée, écrasée par la pression de ma mère et la famille. Personne n’a pu s’interposer face à ma mère pas même mon père, en même temps, je porte le prénom de ma grand-mère maternelle donc dans notre tradition, c’est ma mère qui avait ce « plein pouvoir » sur moi.

Ma grande sœur était déjà partie et ma mère lui avait interdit de rentrer en contact avec nous, de près comme de loin. Mon grand frère n’était pas d’accord avec cette décision de mariage mais comme mon père, il n’avait guère son mot à dire.

Après avoir passé des mois à la maison sans pouvoir sortir à ma guise, surveillée par ma mère ou cette sorcière de marieuse exciseuse, on m’a emmenée dans un appartement rempli de femmes que je ne connaissais pas. J’étais malheureuse et aurait voulu mourir à cet instant mais ces femmes étaient visiblement très heureuses et d’humeur festive. Dans cet appartement, on m’a longuement lavée et coiffée pour me vêtir ensuite d’un pagne blanc.

La marieuse et ma mère m’ont emmenée dans une des chambre et m’ont laissée seule dans celle-ci. Ma mère me quitta en me disant simplement que tout ira bien et que je m’habituerais à mon mari. Quelques minutes plus tard, la porte s’ouvrit et un homme rentra. Un homme grand avec un physique imposant et un visage qui ne m’attirait pas vraiment. Il m’a salué mais je n’avais pas la force de lui répondre. Il s’approcha de moi, me caressa la joue pour finalement m’étrangler et me relâcher tout en rigolant d’une voix grave et angoissante.

À cet instant, j’ai vite compris que ce n’était pas un enfant de chœur et qu’il n’aurait pas pitié de moi. Il a face à lui une jeune femme vierge qui n’a pas encore gouté au fruit défendu, j’étais donc pour lui du pain béni pour assouvir ses idées les plus salaces. Sur le sujet j’avais vu juste. J’ai perdu tout ce que j’avais de plus cher dans d’atroces souffrances.

A ses côtés, je vivais un enfer et je n’avais personne avec qui partager ma détresse et parler de ma solitude. Les seules personnes qui m’ont rendu visite, sont ma mère et cette marieuse de malheur. Je me suis mise à genoux et implorait le pardon à ma mère afin qu’elle me ramène à la maison. Pour elle, ma maison, c’était celle que j’occupais avec mon mari et dorénavant, c’était lui qui était responsable de moi.

Ce que ma mère m’a fait relève d’une haute et profonde trahison. Encore plus lorsque j’ai surpris ce satané mari et ma mère riant aux éclats lorsqu’il lui décrivait de quelle façon je me débattais pour ne pas avoir de rapports sexuels avec lui.

4. Le début de la fin

Pour pouvoir m’échapper de cette prison dorée mais malfamée après plus d’un mois aux côtés de mon bourreau, j’ai dû trouver comme prétexte un état de santé qui nécessite d’aller aux urgences. Arrivée aux urgences, j’ai supplié l’infirmière qui me consultait d’appeler la police car j’étais victime d’un mariage forcé et d’une séquestration avec tout ce qui peut entourer une séquestration. Son aide était ma seule issue. Je ne remercierais jamais assez cette infirmière qui a su croire en moi. Il faut souligner qu’avec les ecchymoses que j’avais, il y aurait clairement eu non-assistance à personne en danger si elle me laissait seule face à mon malheur.

La chance que j’ai eu, c’est que celui qui faisait office d’époux n’était pas en règle sur le territoire français. Ce détail faisait toute la différence pour la suite des procédures. J’ai porté plainte contre cet homme, la marieuse et malheureusement, ma mère. L’affaire n’aurait pas pu être prise en compte à sa juste valeur si j’avais refusé de poursuivre ma mère.

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C’est ma mère et je l’aime à en mourir mais elle a détruit ma vie pour une question d’honneur et de réputation. J’ai eu la chance de rencontrer sur mon chemin, une avocate commise d’office mais qui faisait son métier avec le cœur. Cette avocate a tout fait pour que je puisse être isolée de cet environnement familial qui me tuait à petit feu.

De mon point de vue en tant qu’enfant né en France de parents d’immigrés, il s’agit bel et bien d’un viol mais du point de vue de ma famille et du mari, ces 7 jours n’était pas une séquestration, mais les sept jours nuptiaux. Pour ma communauté, ce n’est pas reconnu comme un viol. Même si je ne suis pas passée devant le maire, même si je n’étais pas d’accord, à leurs yeux, j’étais mariée à cet homme.

J’ai eu beaucoup de mal à me relever de cet effroyable épisode de ma vie. Il a fallu que je me reconstruise seule sans l’aide d’un seul membre de ma famille. Tout le monde m’a tourné le dos mis à part ma grande sœur, j’étais devenue comme elle : la honte de ma famille, celle qui a jeté à nouveau le déshonneur sur mes parents. Pour dire les choses clairement, ma mère aurait été moins triste si je n’étais plus de ce monde.

5. Se reconstruire quand intérieurement tout est champs de ruine

Grâce à l’association Voix de Femmes, j’ai réussi à mettre une croix définitive sur toutes ces attaches qui me faisaient broyer du noir. J’ai rencontré des femmes merveilleuses qui ont su m’apporter l’aide nécessaire pour pouvoir me relever et surtout la chaleur humaine qui me manquait tant. S’il y a bien un message que je souhaite véhiculer, c’est de ne pas rester sous silence, n’hésitez surtout pas à en parler à votre entourage : famille, amis, professeurs, infirmière scolaire, CPE, assistante sociale… Peu importe son statut, l’important c’est que cette personne vous aide à faire porter votre voix et vos appels au secours.

Beaucoup de femmes n’osent pas faire valoir leurs droits de peur de faire condamner leurs parents pourtant, il faut souligner que la procédure est d’abord civile avant d’être pénale.

Prétexter d’avoir besoin de votre passeport ou de votre carte d’identité pour des démarches administratives afin de pouvoir en faire une photocopie et gardez la précieusement. Vous en aurez besoin si l’on vous confisque vos papiers d’identité après un mariage forcé.

Aujourd’hui, j’ai repris le dessus sur ma vie, je suis actrice de mon destin. J’ai repris des études de droit car je souhaiterais devenir juriste. Je vis de façon autonome bien loin de ma famille. Je suis amoureuse d’un homme mais avec mon passif à ce niveau, je prends le temps dans mon couple.

Le bourreau s’est fait expulsé, la marieuse a été condamné à de la prison ferme avec plus de 70 mariages à son actif et presque le double en terme d’excisions – d’après les résultats de l’enquête-, ayant juste une carte de séjour, je pense qu’après avoir purgé sa peine, elle sera contrainte de devoir retourner au pays ou de rester ici en situation irrégulière.

Quant à ma mère, elle a été condamné à de la prison avec sursis. J’ai perdu de vue ma famille, j’aimerais revoir mon père et mes petites sœurs mais je ne suis plus la bienvenue dans ma famille, je continue donc d’avancer avec cette plaie béante qui rythme quelque peu mon quotidien et n’oubliant jamais d’être indulgente et aimante envers moi-même.

Selon le Ministère des Affaires Étrangères, en 2016 encore, c’est plus de 70,000 filles vivant sur le sol français et mineures qui vivent un mariage forcé, c’est chiffre énorme qui prouvent que les mentalités peuvent avoir la dent dure face à l’évolution de notre société. N’abandonnez jamais votre combat par peur du regard des autres ou de la réputation qui serait attribué à votre famille.

L’essentiel, c’est votre équilibre psychologique et psychique et non l’honneur d’une famille ! Si vous connaissez, des jeunes filles ou femmes qui subissent un mariage forcé, par pitié ne les laissez pas seule et aidez du mieux que vous pouvez. L’aide que l’on apporte à son prochain nous reviendra toujours lorsqu’à notre tour, nous serons dans le besoin.

Vous pouvez joindre les numéros ci-dessous pour obtenir les informations nécessaires afin d’entamer votre combat vers la liberté.

SOS Mariage Forcé : 01 30 31 05 05

Voix de Femmes : 01 30 31 55 76

Violences Femmes Infos : 39 19

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