Le rapport que la société actuelle a vis-à-vis de la chirurgie a indéniablement changé, et pour cause, celui de l’image, du rapport au physique a lui aussi évolué. Il est vrai que les complexes, particulièrement chez la gent féminine, ont toujours existé. De ce fait, l’importance accordée à l’mage a toujours détenu une position principale dans le domaine de l’influence. Mais comment expliquer la tournure qu’a pris cette pratique médicale – qui initialement réservé à la « réparation » physique, suscite aujourd’hui un engouement recrudescent ? La chirurgie a-t-elle finalement le pouvoir de propulser l’influence ?
Quand le Glow Up Paye
Kylie Jenner est le meilleur exemple sur lequel certains étayent le fait que la chirurgie peut faire accroître l’influence : sa métamorphose totale serait ce qui explique que l’avant-dernière du clan Kardashian-Jenner soit l’une des sœurs les plus populaires. La maman de Stormi, qui grandissait dans l’ombre, s’est étonnement démarquée lorsqu’elle a enclenché son « surgery journey ».
J’ai définitivement un peu abusé sur la taille de mes lèvres à un moment, j’étais vraiment excitée et j’avais l’impression qu’il fallait que j’aille aussi loin.
Kylie Jenner
Aujourd’hui, la Kylie à la bouche pulpeuse et aux fesses rebondies ne cesse d’être une icône de beauté, un goal à atteindre pour beaucoup. Serait-elle la célébrité la plus prisée de sa génération sans le changement complet de son physique ? Il est en tout cas indéniable que la Kylie s’est d’avantage affirmée lorsque son corps a eu la forme du body goal actuel.
Nombreuses sont ces célébrités pour qui la chirurgie a donné bien plus que de l’estime de soi. La métamorphose de plusieurs a été le point de départ de changement de certains statuts.
Je me sentais horrible et pas du tout développée. Mais quand j’ai eu 18 ans et que je suis devenue danseuse, j’ai eu assez d’argent pour m’acheter de nouveaux seins et d’un seul coup tous mes complexes liés à ma poitrine ont disparu. Quand j’ai eu 20 ans, j’ai commencé à travailler dans un strip club urbain ; et dans les strip clubs urbains, il fallait avoir de grosses fesses. Je me sentais mal à l’aise, ça m’a rappelé le lycée. Donc je me suis fait refaire les fesses. Et j’ai commencé à avoir plus confiance en moi.
Cardi B
Un grand nombre de femmes étant des références, des modèles communs de beauté pour ces éléments de leur physique qu’elles ont eu à changer à travers la chirurgie. L’on peut dire qu’être passé par là leur a donné une certaine gratification, celle de contrat, de notoriété comme Nicki Minaj et son butt qui d’ailleurs était son signe distinctif, apprécié par plusieurs, lors de ses débuts ; Kim Kardashian et sa taille de guêpe qui reste une référence de perfection corporelle à atteindre.
L’impact du standard de beauté ou la dictature du Beau
L’humain : un être insatisfait ayant toujours eu le besoin de se constituer un idéal à atteindre pour se juger comme étant un être complet, cet idéal vers lequel mon propos tend est le standard de beauté. Depuis la nuit des temps, des types d’attributs reliés à la notion du « beau » ont été prônés comme des éléments permettant d’accéder à la perfection. De ce fait, l’homme a donc toujours eu à manifester l’envie de changer un élément de son physique pour se parfaire et ainsi correspondre à ce qui est « beau » selon la société dans laquelle il vit. Le nez fin faisait, par exemple, partie des standards de beauté féminin durant l’Egypte antique où d’ailleurs les premières techniques de rhinoplastie ont apparu. Les standards de notre époque peuvent être simplement perceptibles, à travers les pourcentages des opérations les plus prisées :
En France en 2010, selon un sondage Harris Interactive, 87% des femmes déclaraient qu’elles aimeraient changer une partie de leur corps ou de leur visage si elles le pouvaient. En première place le ventre (64%), puis les cuisses (50%), les fesses (38%) et les seins (37%).
L’opération qui se trouve dans l’air du temps est le BBL (Brazilian Butt Lift) ou le lipolifting brésilien qui tend vers la réinjection de cellules graisseuses prélevées par liposuccion d’autres zones du corps, dans les fesses.
Les demandes sont parfois excessives car les femmes s’identifient à des stars qui n’ont pas la même morphologie qu’elles. Aux Etats-Unis, les chirurgiens sont allés trop loin en injectant trop de graisse chez des patientes. Il y a eu des morts!
Dr Benjamin Ascher
Cette quête de conversion de soi en un idéal est ce que l’on peut affirmer comme l’objet de ce que la chirurgie est en capacité d’offrir. Anciennement attribuée par l’opinion publique aux personnes d’un certain rang, la chirurgie esthétique s’est grandement démocratisée, malgré les controverses, et a aujourd’hui un écho beaucoup plus diversifié en allant du désir de pérenniser la jeunesse éternelle, à l’envie de s’améliorer, de se bonifier en supprimant ce qui est considéré comme défaut. L’une des causes de cette évolution n’est rien d’autre que les réseaux sociaux.
De nouveaux leviers pour une nouvelle image
Les réseaux sociaux sont ces nouveaux leviers de communications ayant donné un nouveau ton aux rapports humains, et à l’impact des standards de beauté de par cette nouvelle conception de l’image qui en découle. De ces espaces virtuels qui connectent des milliers de personnes entre elles, s’est constitué une sorte de nouveau monde ayant ses propres codes. De cette nouvelle conception visuelle en dépendent plusieurs nouveaux métiers, comme celui d’influenceur où l’image tient une place prépondérante.
Sur les réseaux sociaux, de nouveaux prototypes de physique de femme y sont insufflés : avoir des formes généreusement proportionnées, sans bourrelets ni creux ni R I E N ! L’on fait donc face à un standard de beauté qui se veut être un critère de sélection pour les métier d’influence : la cible est attirée par cela, jusqu’à vouloir ressembler à cela. Finalement seraient-ce ces métiers qui poussent à parfaire le physique ou est-ce la suite logique au mouvement inhérent au « culte du corps » ? Ce qui est sûr et étayé par plusieurs études scientifiques, c’est que de nombreux dysfonctionnement sont liés à l’envie de chirurgie et médecine esthétique.
Au début, son objectif principal était d’aider les gens à corriger les déformations physiques de naissance ou les accidents à la suite d’une guerre. Tout au long des années, la chirurgie esthétique a évolué et son but prédominant est de se concentrer davantage sur les aspects physiques de la beauté et rendre le visage et le corps agréable à l’œil. Cela est dû a la demande grandissante des femmes et des hommes.
Dr Franck Benhamou
Le changement à tout prix
L’esthétique est la préoccupation première de mes patients, qui désirent avoir le corps ou le visage qu’ils imaginent plutôt que celui que reflète le miroir. Le Beau, qui est aussi vérité et perception de l’infini, est donc une réussite physique, mais aussi psychologique, puisque la chirurgie esthétique permet de reprendre le contrôle de son corps, apportant une nette reprise de confiance en soi
Dr Patrice Hilligot
Augmenter son estime de soi à travers la chirurgie : plusieurs femmes disent palier à leurs complexes par la chirurgie et gagner en assurance ; des femmes qui ne se trouvent jamais assez belles – biens – attirantes cherchant constamment à modifier quelque chose. Ce désir peut paraître anodin pour certains, mais peut être dans certains cas affilié au trouble psychologique de la dysmorphophobie ou dysmorphie qui en clair pousse les personne, qui en souffrent, à se voir avec des défauts esthétiques qui se trouvent en réalité être minimes voire inexistants. Sans oublier le trouble appelé par des professionnels de la santé, la dysmorphie Snapchat où ici les personnes qui en souffrent désirent avoir le visage qu’ils ont avec un filtre.
Ils confondent leur identité numérique avec leur identité réelle. Ça donne quelques frissons.
Michael Stora
Ces troubles conditionnent donc à user, parfois à outrance, de moyen, comme la chirurgie pour supprimer ces défauts qu’eux même perçoivent. On peut donc comprendre, à partir de cela, que le point de départ du parcours de la chirurgie est celui du complexe : « Je n’aime pas donc je modifie. »
Toutefois, loin de gommer les imperfections à coup de baguette magique, la chirurgie comporte de nombreux risques, qui peuvent être mortels. La pratique très populaire du BBL détient un nombre important de cas de décès : les risques encourus comme celui d’une embolie graisseuse, mortelle de surcroît, aujourd’hui communiqués publiquement, ne semblent néanmoins pas être un actuel frein.
Un sondage de 2017 effectué sur 692 professionnels de la chirurgie esthétique à travers le monde a montré que ceux pratiquant le BBL reportaient trente-deux cas mortels à la suite d’une embolie graisseuse et 103 cas de complications non-mortelles au long de leurs carrières. Le taux de mortalité pour cause d’embolie graisseuse liée au Brazilian Butt Lift a été estimé à un cas sur 3.000.La plupart des morts ont en fait été causées par des praticiens et praticiennes insuffisamment qualifiées. De mauvaises conditions d’opération peuvent entraîner septicémies ou gangrène, également fatales.
Nina Pareja – SLATE
De plus, ce phénomène qui a rendu la chirurgie beaucoup plus accessible qu’avant, à savoir le tourisme médical dans certains pays du Moyen-Orient, prisé à cause des services à moindre coût est malheureusement amplificateur des dangers inhérents à la chirurgie. Loin d’affirmer que l’Occident à l’exclusivité sur des prises en charge de qualité, le but est de mettre en lumière les dangers que peut représenter cette pratique. En effet, il a toujours été attesté par des professionnels de la santé que tout acte chirurgical se doit d’être effectué par un praticien aguerri de par sa formation et précédé et acheminée par un suivi médical précis et complet. Le souci dans le tourisme chirurgical actuel est qu’il n’y a pas de réel suivi du fait que le premier contact entre le patient et le chirurgien est effectué au moment de l’opération.
Dans une société obsédée par la beauté et la célébrité, la procédure reste populaire, malgré les risques
Professeur Jim Frame
Concernant le temps de convalescence post-opératoire, il s’achève durant le retour du patient vers son pays de résidence, de ce fait, le chirurgien ne peut en aucun cas suivre l’évolution de l’opération effectuée au patient. Par ailleurs, il arrive que le chirurgien soit dans l’illégalité par ce qu’il pratique sans pour autant avoir les diplômes nécessaires à la fonction de chirurgien esthétique/plastique, une formation plus longue que celle de la profession de docteur généraliste par exemple. Ces facteurs sont la source de nombreuses expériences malencontreuses étant l’objet de plusieurs témoignages médiatisés.
On peut influencer autrui lorsqu’on se sent bien dans sa peau.
Alors est-ce que la chirurgie est manifestement propulseur d’influence ? À l’évidence, oui. À contrario, nombreuses sont les #Femmedinfluence qui n’ont pas eu recours à la chirurgie pour être influente comme Winnie Harlow ou encore Teyana Taylor. Certaines d’entre elles correspondent toutefois aux codes physiques de cette ère – reconnaissons-le ! – d’autres en sont aux antipodes comme Lizzo, soutenue par le mouvement du Body positive. L’on peut donc conclure en disant que finalement, l’influence résulte de faire de ses attributs physiques, sa force, de faire personnellement de notre physique un atout de pouvoir, qu’ils correspondent aux codes ou non.
So Girl, always remember that You Are E N O U G H !