Noor Tagouri : Pourquoi j’ai décidé de poser dans Playboy

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À 22 ans, Noor Tagouri a déjà mené de beaux combats. Après Mnar Muhawesh en 2009, Noor est la première journaliste américaine à porter le hijab à l’antenne. En 2015, sa participation au webdocumentaire « Who Am I » diffusé sur Oprah Winfrey Network, lui a permis de faire bouger les lignes et faire davantage entendre sa voix. Son ambition ? Devenir la première femme voilée à présenter le JT d’une chaîne généraliste aux USA et changer la perception des femmes musulmanes dans le monde.

Le 22 septembre dernier, elle a à la fois choqué et suscité l’admiration de milliers de personnes en posant pour Playboy avec son hijab. A l’origine de ce shooting improbable, une forte envie, à la fois de la part de Noor et du célèbre magazine américain, de bousculer les codes. En effet, depuis mars dernier, Playboy, connu pour ses playmates et son contenu érotique, a pris un virage à 180°C en décidant de ne plus promouvoir la femme-objet, mais la femme moderne et indépendante qui n’a pas besoin du regard des hommes pour exister. Dans un billet publié sur son site, Noor Tagouri explique les raisons de ce choix.

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« J’aurai beaucoup aimé que le monde voit les choses d’un point de vue différent, ce n’est pas le cas et malheureusement, le silence amène un plus grand problème dans lequel de toute évidence la vérité n’a pas sa place. Du coup, me voici, écrivant pour répondre à la « controverse » qu’apparemment j’ai créée, mais surtout pour remercier ceux d’entre vous qui sont restés respectueux de mon choix, que vous soyez d’accord avec ma décision ou non.

Il y a quelques mois, j’ai été contactée par Playboy. Le magazine mettait à l’honneur 7 personnes du monde de la culture qui ne suivent pas les règles, qui changent la façon dont les gens pensent, s’habillent et plus , et j’en faisais partie. Je sais, le nom du magazine seul est suffisant pour laisser bouche bée n’importe quelle personne à l’idée d’y voir une femme musulmane portant le hijab. J’avoue que lorsque j’ai été approchée par Playboy, j’étais mal à l’aise et je ne savais pas trop si je devais faire cette interview. Je savais que le magazine avait remanié son look et supprimé la nudité. C’était super, mais pas suffisant. Ce n’était pas une décision que je pouvais prendre à la légère. J’ai passé du temps à en parler à ma famille et mes mentors, à prier à ce sujet, et j’ai posé une tonne de questions aux rédacteurs. Pendant que je faisais mes recherches, j’ai appris que Playboy s’était engagé à faire de la justice sociale et le progrès culturel une priorité. Ça sonne peut-être faux ou ça vous met mal à l’aise d’associer cette publication à la justice sociale et au progrès culturel, mais j’ai la même démarche en fait. J’abats les barrières, je sors de ma zone de confort et met les gens mal à l’aise par la même occasion. Cette « rébellion » personnelle est une forme d’honnêteté, il s’agit d’être la version de vous-même la plus authentique possible et pour moi de vivre à la hauteur de la signification de mon prénom, Noor (« Lumière » en arabe).

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On nous apprend que nos prophètes bien-aimés sont venus en aide à ceux qui étaient brisés, qui luttaient, qui étaient entourés par les ténèbres. Ils n’ont jamais pensé que leurs messages étaient trop bien pour qui que ce soit et nous ne devrions pas penser comme ça non plus. Nous vivons dans une société en lutte avec elle-même qui a désespérément besoin de voir notre lumière, une société qui a besoin d’entendre notre voix.

Alors je l’ai fait. J’ai fait cette interview, à mes propres conditions. J’ai porté ce que je voulais, j’ai représenté les idées auxquelles je crois et j’ai été moi-même, sans remords. Je peux dire avec fierté que je n’ai aucun regret. Une Américaine de 22 ans d’origine libyenne, musulmane, habillée de la tête aux pieds, a utilisé un magazine emblématique pour diffuser un message positif et nécessaire. J’ai fait ce que beaucoup de femmes portant un message d’espérance et inspirant n’auraient pas osé faire, parce que le succès d’une femme est souvent basé sur le domaine dans lequel la société juge qu’il est convenable pour nous de réussir.

Je n’ai pas accepté cette interview pour ceux qui perpétuent la notion selon laquelle les attaques sur une femme, sa personne, ses mœurs et croyances religieuses sont justifiées, dès lors qu’elle ne fait pas les choses comme eux auraient aimé qu’elle les fasse. Cette surveillance à la loupe et cette agression auxquelles les femmes sont sujettes de manière systématique est non seulement toxique mais fait également du tort à nos communautés. Il faut que cela cesse.

Je l’ai fait pour les musulmans, pour les femmes et pour tous ceux qui ne sont pas représentés dans les médias mainstream aujourd’hui. Je l’ai fait pour les jeunes femmes, où qu’elles soient, qui sont en lutte avec leur identité et qui se sentent incomprises. Je l’ai fait pour les 10 000 personnes avant moi qui ont été agressées en privé ou publiquement humiliées parce qu’elles ne correspondaient pas aux standards voulus par la société en matière de représentation féminine. Je l’ai fait pour que les 10 000 personnes qui viendront après moi reprennent possession de leur pouvoir et abattent les barrières et brisent les plafonds de verre. Je l’ai fait pour TOI, la personne qui a lu l’interview et qui l’a trouvée inspirante, pour celle qui s’est trouvée perdue, pour celle qui a été déçue et pour celle qui n’a pas trop su quoi en penser. Je l’ai fait pour démontrer qu’il n’y a rien de plus puissant qu’une femme qui reste elle-même, sans regrets, et qui prend position fermement pour ce en quoi elle croit, peu importe qui l’écoute. »

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Qu’on soit d’accord ou non avec le choix de Noor Tagouri, son acte est celui d’une femme libre, ambitieuse, qui a défini ses objectifs et qui entend les concrétiser. Sans surprise, à l’exception de quelques médias religieux, la presse internationale a plutôt salué sa capacité à bouger les lignes. C’est donc un pari réussi pour elle. A seulement 22 ans, elle fait preuve d’une force de caractère à l’heure où l’islamophobie semble être la norme si l’on en croît une certaine presse. On se souvient de la polémique autour du burkini qui a fait rage en France cet été. Ce débat sans fondement avait mis en lumière combien la société française perçoit négativement les femmes musulmanes, les femmes musulmanes voilées et plus largement les femmes dans leur ensemble. Heureusement, de certains journalistes à des humoristes, en passant par des blogueurs, des voix s’étaient élevées pour remettre les choses dans leur contexte et célébrer la femme musulmane, et la femme en général, dans toute sa diversité.

Aux Etats-Unis, d’autres femmes, dans leurs domaines respectifs, telles que Ibtihaj Muhammad, première femme sportive américaine à concourir voilée aux J.O., se battent pour accéder à cette pleine liberté. Noor Tagouri ajoute une autre pierre à l’édifice. Comme elle l’explique, elle a pris le pouvoir le temps d’une interview en détournant un magazine anciennement dédié à la femme-objet pour en faire un magazine dédié à la femme libre.

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