5 leçons que l’on peut tirer de la force d’Assa Traoré

Traoré. Ce nom, tu l’as très certainement beaucoup lu ou entendu ces derniers mois. Depuis cet été, en France, il fait désormais écho à un événement tragique : la mort d’Adama, un jeune Français noir qui était entre les mains des gendarmes. C’était le 19 juillet dernier à Persan, près de Beaumont-sur-Oise (Val-d’Oise). Depuis ce drame, sa grande sœur Assa se bat pour que toute la lumière soit faite sur ce qu’elle appelle « une affaire d’Etat ». Face à l’Etat justement, aux médias, à l’opinion publique, la jeune femme de 31 ans, mariée et mère de 3 enfants, reste incroyablement forte. Une inspiration qui nous apprend beaucoup. Voici 5 leçons que l’on peut tirer de la force d’Assa Traoré.

1. Courage

Depuis le début de cette affaire, Assa Traoré, porte-parole de sa famille frappée par le deuil, s’est montrée très courageuse en devenant le visage et la voix de cette quête de justice et vérité.

Dans ce combat, elle n’est pas face à n’importe quel interlocuteur : Assa se dresse face aux services de la gendarmerie nationale, qui eux se trouvent sous la tutelle du Ministère de l’Intérieur. Pour résumer, derrière la gendarmerie nationale, il y a l’Etat. Depuis juillet 2016, la famille Traoré est soumise à une forte pression de la part des gendarmes notamment. Il y a quelques semaines, deux frères d’Assa, Youssouf et Bangui, ont été condamnés à des peines de prison ferme, respectivement pour «menaces de mort et outrage » et « violences sur les forces de l’ordre ».

« [Je vis la détention de mes frères] comme une intimidation et un acharnement. Un gendarme a dit à l’un de mes frères lors de son arrestation : “ta sœur fait trop de bruit. Qu’elle se taise”. Pour moi, mes frères sont des prisonniers politiques. »

« Nous subissons des pressions énormes de toutes parts : menaces, intimidations, plaintes, présence policière dans le quartier, gazages lors d’actions durant le conseil municipal, charges de police … On veut nous faire taire, que nous n’expliquions pas les conditions dans lesquelles mon frère de 24 ans est mort. Mais le mouvement Justice et vérité pour Adama se poursuit et s’étend dans toute la France même si ma famille en paye le prix fort. »

Assa dit elle-même n’avoir « jamais peur ». Elle poursuit la lutte pour son frère et se montre très combative, encore plus face aux menaces de mort, comme elle l’a confié à Jeune Afrique.

« Nous recevons des menaces de mort anonymes quotidiennement assorties d’insultes racistes. Certains ont même fait écrire leurs lettres par des enfants… On porte plainte dès que l’on peut, mais nous n’avons pas que cela à faire. Ces gens n’ont pas de contrôle sur moi, je n’ai pas peur. Dans toute cette affaire, la seule chose que les différents acteurs n’ont pas pu contrôler, c’est nous. »

2. Combativité

« On ne lâchera rien. »

Si le message n’était pas passé, Assa est là pour rappeler chaque jour qu’elle et sa famille continueront à se battre pour obtenir justice. D’interviews en actions locales, la jeune femme est très active pour faire connaître leur vérité.

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Devant la caméra de Mouloud Achour pour le Gros Journal, elle a même interpellé le Président de la République François Hollande pour qu’il se saisisse du dossier.

« Mon frère est mort dans les mains de la République (…). Aujourd’hui, votre position doit être claire dans cette affaire. (…) Ces bavures policières, cette violence policière s’agrandit de jour en jour, d’année en année et ce n’est pas normal. Il faut que ça cesse (…) M. le Président, que vous preniez vos responsabilités, aujourd’hui, à travers cette affaire-là. »

Il semblerait que François Hollande n’ait jamais adressé ses condoléances à la famille comme cela se fait lorsqu’ une mort tragique est relayée ainsi par les médias, et que l’appel solennel d’Assa soit resté sans réponse…

Selon un article du Nouvel Obs, à Nathalie Groux, maire de Beaumont-sur-Oise, qui demandait à rencontrer la famille Traoré, Assa a répondu non.

« Nous ne discutons pas avec des gens qui relaient des propos selon moi racistes. »

En effet, la maire avait relayé sur Facebook un post appelant à la violence publié initialement par un membre du parti Front National. Et puis, pour rappel, il y a quelques semaines de cela, après le passage très remarqué d’Assa au Gros Journal de Mouloud Achour en septembre, Nathalie Groux avait menacé de poursuivre Assa pour diffamation.

Pas d’hypocrisie ou d’effet d’annonce politicien pour Assa.

3. Détermination

Déterminée à faire connaître la vérité. C’est une autre leçon que l’on retient içi de la force d’Assa Traoré.

La jeune femme le sait, le combat pour la vérité se joue à plusieurs niveaux, en particulier celui des médias. Oui, le but premier des médias est d’informer. Mais il arrive que la machine médiatique s’emballe et perde ainsi de vue sa fonction principale. Et lorsqu’elle est lancée, cette machine peut broyer, détruire en relayant des informations non vérifiées et souvent diffamatoires. Ainsi dans plusieurs colonnes, Adama est décrit comme un délinquant notoire, dont le comportement était suspect le jour de son interpellation. C’est faux. Assa résiste face à cette désinformation massive.

 « Les mensonges se sont multipliés sur la mort de mon frère. »

« Que ce soit la gendarmerie ou l’Etat, ils sont conscients de ce qu’ils ont fait ce jour-là. Ils sont conscients de la gravité. Ils sont conscients de ce crime. Donc aujourd’hui, les mensonges pour eux, c’est une évidence. »

4. Solidarité dans la lutte

Elle ne porte pas le combat seule et le revendique.

« Plus les pouvoirs publics nous incriminent, plus la solidarité augmente, sans qu’on le veuille. Lors du repas qu’on a organisé pour les quarante jours de la mort d’Adama [comme le veut la tradition musulmane, ndlr], ce sont les habitants qui ont cuisiné, apporté des marmites. »

« On a pleuré un jour. Le deuxième jour, il fallait aller au front, aller se battre pour Adama (…). Tout de suite, on a eu cette force locale, la force de Beaumont, avec toutes les villes qu’il y a autour, qui sont venus nous aider, notre famille. »

Bien qu’elle ne soit pas la porte-parole de toutes les familles dévastées par ces crimes d’Etat, Assa parle aussi de ces autres citoyens français morts dans des circonstances non-élucidées. C’est ce qu’elle rappelle dans ses vœux 2017 diffusés via Mediapart. Le journal en ligne l’a mise à l’honneur. Dans la peau d’une Présidente de la République française le temps d’une vidéo, Assa y cite notamment Rémi Fraisse, mort en 2014 à Sivens, sous la grenade des gendarmes, ou encore Lamine Dieng, mort en 2007 alors qu’il avait été interpellé par les forces de l’ordre dans le 20ème arrondissement de Paris.

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5. Persévérance

Assa Traoré ira jusqu’au bout. Portée par sa famille notamment, elle n’arrêtera pas temps que justice ne sera pas faite. Après plusieurs mois de lutte, elle continue de se rendre dans différentes villes de France pour rétablir la vérité et faire connaître ce drame du plus grand nombre, pour une prise de conscience collective.

« On fera tout pour que le nom Adama fasse changer les choses. »

La persévérance dont Assa Traoré fait preuve lui a fermé des portes, mais lui en ouvre aussi. Mouloud Achour l’a très récemment embauchée en tant que reporter pour lui permettre de faire davantage entendre sa voix et de porter les sujets qui lui tiennent à cœur.

Cette force fait également que la médiatisation de l’affaire se poursuit. Plusieurs médias continuent à suivre l’évolution de la lutte des Traoré.

Assa Traoré et sa famille ont été frappés par le deuil. Ne pas tout savoir, tout comprendre de la mort de son frère est une terrible épreuve. Mais Assa n’a pas laissé le chagrin l’envahir. Au contraire, elle en a fait une force incroyable, au nom de la dignité de son frère et des siens. Même si le gouvernement s’obstine à ne pas adresser le problème de la violence d’Etat, elle poursuit son combat en réalisant un tour de force : faire plier la machine médiatique pour qu’on écoute ce qu’elle a à dire.

Son charisme, son calme et son intelligence en font une des personnalités médiatiques les plus fortes de l’année 2016.

« C’est elle [sa mère, ndlr] qui nous donne de la force. Elle nous encourage à être des battants, dans le bon sens du terme, à ne rien lâcher, à nous battre pour que justice soit rendue à mon frère. »

 

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